With wand'ring steps [PV Eleonora Endrizzi]

Et ainsi une nouvelle journée commençait. Cela dit, Cosima avait l'impression de revivre le même jour à chaque fois. Elle se levait, se préparait, déjeunait et passait le reste de la journée à l'Université. Pas de grandes excitations, pas de rebondissements. Oh, la jeune femme ne se plaignait pas, bien au contraire, elle n'avait jamais été de celles qui rêvaient de grandes aventures. Mais il fallait bien avouer que Cosima craignait d'être victime de la monotonie et de finir par se lasser de son quotidien. L'ennui était l'ennemi de sa motivation. Et de la motivation elle en avait grand besoin pour mener à terme ses études. Cosima n'avait pas peur de la difficulté, oh non, mais régulièrement elle avait l'impression de ne pas être à sa place à Saint-Alexandre. Tant de jeunes gens brillants, meilleurs qu'elle sur bien des points. Parfois elle n'avait plus qu'une envie : faire ses valises et repartir fissa à Portovenere. Et pourtant elle restait, parce qu'elle s'était faite la promesse de trouver une solution pour sauver une petite fille à qui elle tenait énormément. Elle tiendrait le coup, pour Valentina.

C'est dans cet état d'esprit que la jeune femme entra dans l'enceinte de la faculté, deux gros livres dans les bras, trop massifs pour être ranger dans le sac en bandoulière perché sur son épaule. Cosima était toujours prise d'un grand sentiment d'humilité lorsqu'elle pénétrait dans ce hall grandiose. Tant d'éminentes personnes avaient prit le même chemin qu'elle empruntait. Oh, elle n'arriverait jamais à leur hauteur mais elle espérait au moins contribuer le plus possible dans son domaine. Cosima était bonne en science, l'avait toujours été, Il l'avait voulu ainsi, elle en était sûre. Il était donc tout à fait normal qu'elle mette ce « talent » au service des autres.

La jeune femme assista à ses cours du matin : Analyse du génome et génétique cellulaire. Elle était bien contente de l'ordinateur portable que lui avait offert sa mère, à l'occasion de son départ pour le Vatican, car si elle avait eu à écrire toutes ses notes à la main, son poignet aurait probablement doublé de volume. Le professeur de génétique cellulaire était si volubile sur le sujet que la jeune femme avait parfois un peu de peine à tout écrire.

Sortant de l'amphithéâtre, la jeune femme se dirigea vers la cafétéria de l'université. Elle avait une petite heure pour manger avant de se rendre directement à la bibliothèque pour une partie de l'après-midi. Ensuite, elle irait à son cours de Théologie. Ce n'était pas indispensable à ses études, mais elle avait tenu à prendre cette option. Après tout, elle était au Vatican, cela aurait été dommage de ne pas en profiter. Une pensée lui revenant en tête, Cosima sortit de son sac son téléphone et vérifia ses mails. Elle espérait recevoir une réponse positive pour un futur job. Ils n'avaient plus besoin d'elle, là où elle travaillait avant, et il était hors de question de demander de l'argent à sa mère. Le regard fixé sur l'écran, et ses pensées à mille lieues d'ici, la jeune femme percuta de pleins fouet un obstacle qui avait l'air plutôt vivant pour un mur. Cosima se confondit en excuses, les joues enflammées, bien que cela restait discret grâce à son teint chocolat.

« Oh misère ! Je suis terriblement désolée ! Je ne regardais pas où j'allais ! Vraiment vraiment vraiment désolée !»

Elle garda la tête baissée, n'osant même pas lever le regard pour voir à qui elle avait si impoliment coupé le chemin.

(Pas satisfaite du tout mais le prochain sera meilleur, promis X3)

Les cours du matin avaient été comme d'habitude pour Eleonora, un éternel recommencement. Des étudiants intenables et elle qui essayait de faire ce qu'elle aimait et ce pourquoi elle était payée. Avec les difficultés habituelles, évidemment. C'est donc avec un profond soulagement qu'elle accueilli l'heure du midi, heure durant laquelle elle pourrait profiter du calme d'une place solitaire à la cafétéria de l'Université où elle dégusterait le repas que le cuisinier de la famille avait préparé pour elle.

Du moins c'est ce qu'elle aurait bien voulu mais, et alors qu'elle avait son panier-repas dans les mains, une masse dont la composition atomique s'apparentait très probablement à celle d'un être humain la heurta de plein fouet. Une scène vue et revue et qui se terminait souvent très mal pour la pauvre Eleonora qui, quand elle ne se faisait pas hurler dessus alors que cela n'était absolument pas sa faute, y laissait souvent quelque chose comme...

Son repas. C'est avec effroi que la jeune blonde avait vu la totalité de son repas du midi finir par terre, dans une déferlante de riz et de feuilles de salade. Évidemment, poids plume qu'elle était, un simple contact suffisait généralement à la pousser de plusieurs centimètres et à complètement la destabiliser. Du coup, Eleonora n'entendit que distraitement les excuses de la personne qui venait de lui rentrer dedans, trop occupée à se morfondre, agenouillée par terre, sur son défunt repas.

"Oh non... qu... qu'est-ce que je vais faire..."

Cosima tout à fait misérable lorsqu'elle comprit les dégâts qu'elle avait causé. Mortifiée, elle s'accroupit et commença à ramasser et à remettre tout dans le plateau. Elle sortit des mouchoirs en papier de sa veste et essuya comme elle put le sol.

"Je suis tellement désolée ! Et maintenant j'ai gâché votre déjeuner !"

Elle se sentait d'autant plus mal qu'elle avait finalement reconnu la personne qu'elle venait de percuter. Miss Endrizzi, la plus jeune professeur de l'Université. La jeune femme avait eu l'occasion d'assister à plusieurs de ses conférences. Eleonora était véritablement brillante et Cosima lui portait une très grande admiration. Alors c'était d'autant plus embarrassant pour elle de faire sa rencontre ainsi. Quelle déplorable impression elle devait donner !

"Hmm...je vais vous repayer un repas, bien entendu, professeur ! C'est la moindre des choses..."

Une fois le chantier à peu près nettoyé, la jeune femme se releva, le plateau dans les mains, ses livres calés sous son bras. Cosima la regarda de haut en bas discrètement. Eleonora était vraiment petite, bien plus petite qu'elle, et pourtant elle-même n'était pas bien grande. La jeune femme se demanda si elle avait du mal à se faire entendre de ses élèves. Probablement que lui, la jalousie de certains devait parfois lui causer bien du tord. Ce n'était pas tous les jours que votre professeur était plus jeune que vous et Cosima se doutait bien qu'il y avait probablement quelques personnes qui acceptaient mal cette situation. Elle-même trouvait ça idiot, le génie n'avait pas d'âge.

"Euh...vous allez bien ? Je ne vous ai pas fait mal ?"

Trop occupée à essayer de sauver ce qu'il était possible de sauver, c'est-à-dire pas grand chose, Eleonora ne prit la peine de s'inquiéter de qui l'avait bousculée seulement lorsque cette personne lui adressa de nouveau la parole et l'aida. C'était... une étudiante ? Oui, probablement. Même si Eleonora était de nature relativement étourdie, elle se souvenait plutôt bien des visages de ceux qui assistaient à ses cours ou à ses conférences, et la jeune femme en face d'elle était l'une de ces personnes. Son intuition se confirma lorsqu'elle s'adressa à elle en l'appelant professeur. Une fois le plus gros nettoyé, la jeune blonde se releva, chancelante.

"Ç... ça va... m... merci de votre aide..."

La demoiselle adressa du mieux qu'elle le put un petit sourire à l'étudiante qui venait de l'aider. Après tout, c'était une chose relativement rare pour Eleonora, étant généralement tenue pour seule responsable en cas de bousculade. Ce n'était pas très facile à vivre mais, malheureusement, elle avait l'habitude. Ceci dit, Eleonora relava finalement la proposition de l'étudiante de lui payer un autre repas.

"C... c'est gentil de votre part m... mais... je peux m'acheter quelque chose moi-même, ç... ça ira... merci..."

Réaction 100% Eleonora.

Cosima se sentait mal pour Eleonora. La jeune prodige avait l'air encore plus timide qu'elle ! Et pourtant Cosima avait zéro assurance. Elle se mordit la lèvre, le plateau encore dans les mains, bien embêtée face au refus de la demoiselle. Sa mère lui avait toujours bien dit qu'il fallait réparer ses erreurs.

"Je me permets d'insister...j'ai fait tomber votre plateau à cause de ma maladresse, c'est à moi de vous le rembourser. S'il-vous-plait."

La jeune femme lui offrit un petit sourire comme pour lui assurer qu'elle n'avait que de bonnes intentions. Apercevant une poubelle non loin, elle alla y jeter le contenu du plateau et revint au côté de la plus jeune. Dégageant une de ses courtes mèches de son front, elle se mordit une nouvelle fois la lèvre, prit une petite inspiration et demanda avec un courage qu'elle n'avait pas.

"Je serai ravie si vous acceptiez. J'aimerai beaucoup discuter avec vous à propos de votre dernière conférence...Elle m'a vraiment emballée et j'avoue que j'ai beaucoup de questions que je n'avais pas osé vous demander..."

En l'amenant sur un territoire que la demoiselle connaissait bien, Cosima espérait mettre fin au malaise. La jeune femme avait une sainte horreur de ce genre de situation. Tout le monde était gêné et tendu et personne n'osait se regarder en face. Elle voulait avoir des rapports un minimum cordiaux avec son entourage. Cela rendait la vie tellement plus simple et agréable.

"B...bon... s... si vous insistez..."

Eleonora avait détourné le regard de son interlocutrice et avait finalement accepté la proposition de celle-ci, bien que cela la gênait profondément pour des raisons qu'elle seule pouvait bien comprendre. Du coup, sans un mot de plus, la jeune professeur entreprit de se servir un nouveau repas du midi, laissant donc bien malgré elle sa compagne du moment payer à sa place. Puis, timidement et toujours silencieuse, Eleonora se fraya un chemin entre étudiants, professeurs et chaises pour s'installer à sa table habituelle, située au fond de la salle et un petit peu à l'écart. Elle y était tranquille et cela la satisfaisait pleinement. Même si cette fois, elle aurait quelqu'un avec elle.

S'installant doucement, Eleonora observa un moment son plateau, un peu déçue d'avoir autre chose que ce qu'elle avait d'habitude mais bon, pour une journée, elle survivrait. Elle releva ensuite les yeux vers l'étudiante, lui adressant un petit sourire timide.

"A...alors... vous aviez des questions... ?"

Contente d'avoir eu gain de cause Cosima suivit la jeune professeur avec un peu plus d'assurance, se servit et paya pour leurs deux repas. La nourriture de la cafétéria n'était pas exceptionnelle mais elle restait bonne, meilleure que tout ce qu'elle avait pu manger lorsqu'elle était au lycée. La jeune femme s'installa en face, se versa un peu de soda dans son verre et en but une longue gorgée, histoire de se laisser un peu de temps pour réfléchir à la première question qu'elle allait poser.

"Hm...alors...à propos de votre étude sur les bénédictions, vous avez dit avoir découvert que certains..hm pouvoirs défiaient toute logique physique...Mais j'avoue être surtout intriguée par les bénédictions sur le plan biologique. Pensez-vous que ces miraculeux pouvoirs se manifestent d'un seul coup, selon Son désir ? Donc comme une sorte de...mutation spontanée. Ou alors est-ce que nous possédons tous un marqueur génétique, qui s'éveille uniquement lorsqu'on est choisit ?"

Cosima n'était pas particulièrement bavarde, mais en de rares occasions elle était capable d'avoir un débit de parole assez impressionnant. Peut-être parce que justement, elle n'avait que peu d'opportunités de parler et d'exprimer ses idées.

Oh. Cette conférence là. Eleonora se fit silencieuse un instant, le regard perdu dans la contemplation d'une feuille de salade alors qu'elle réfléchissait. Elle n'était pas vraiment du genre à parler des bénédictions, ou de ses recherches, généralement personnelles, sur le sujet. Mais Monsieur Engel, le directeur de l'Université et quelqu'un qu'elle admirait énormément, l'avait un jour incitée à faire une conférence sur le sujet, jugeant que ses travaux et ses recherches, bien qu'éloignés de son domaine de prédilection, valaient la peine d'être présentés.

"Hm... eh bien..."

Elle releva les yeux vers son interlocutrice, toujours à demi perdue dans sa réflexion. Ce n'était pas un sujet avec lequel elle était très à l'aise. Elle possédait elle-même un don mais, ayant toujours été scientifique dans l'âme et dans ses études, elle n'a jamais été certaine de ce qu'elle devait penser. Ou même dire. C'est pour cela que généralement, elle gardait ses idées pour elle, histoire de ne pas dire quelque chose qui pourrait fâcher les Croisés ou même n'importe qui d'autre.

"Très sincèrement, je ne sais pas, et je pense que c'est ce que tous les spécialistes du sujet, donc je ne pense pas faire partie, vous répondront. De l'hypothèse la plus scientifique à la plus spirituelle, il y a bien trop de facteurs inconnus dans l'équation que sont les bénédictions. Qu'est-ce qui décide du fait qu'un individu possède ou non un pouvoir, qu'est-ce qui décide de la nature de celui-ci, pourquoi certains sont explicitement destructeurs et d'autres complètement passifs ? J'y ai beaucoup réfléchi, et j'avoue ne pas encore avoir trouvé une réponse tenant autant la route que celle que nous acceptons tous pour le moment. Vous le savez, j'ai moi-même été bénie, mais je serai bien incapable de dire pourquoi ainsi que de donner une raison au fait d'avoir hérité d'un pouvoir lié à la lumière."

Eleonora croisa les bras et se laissa tomber au fond de sa geste, pensive. Ceux ayant l'habitude de la voir extrêmement timide seraient certainement surpris de l'entendre se faire aussi bavarde, mais la jeune professeur fonctionnait comme cela : une fois lancée sur un sujet lui tenant à cœur, elle changeait du tout au tout !

"Pour répondre plus explicitement à votre question... Je vous avouerai sincèrement que je me suis évertuée à trouver une explication plus ou moins logique à ce phénomène, sans grand succès pour le moment. Un gêne particulier endormi ? C'est une possibilité, mais dans ce cas, pourquoi n'y aurait-il eu aucune manifestation de ces gênes avant, et pourquoi ne se réveillent-ils pas tous au même moment pour tous les individus, mais à des intervalles totalement aléatoires ? Serait-ce, alors, la volonté propre de Dieu ? Le Pape en serait-il le déclencheur même ? Peut-être un peu de tout ça. Ma foi, pour l'instant, je ne peux pas me vanter d'avoir trouvé une autre explication. Mais en tout cas, c'est une question fascinante qui ne manque pas de mystères !"

Se rendant compte de tout ce qu'elle venait de dire, Eleonora baissa brusquement les yeux, écarlates.

"D...désolée... je me suis un peu emportée e...et... je ne vous aide pas vraiment..."