Scientia potentia est ▬ Barbara

Un éclat d'argent dansant autour du cou, Alicia parcourait tranquillement les rues du quartier des affaires, baignées, malgré l'heure relativement matinale, d'un doux soleil. Depuis les événements relativement chaotiques du Dimanche, la jeune croisée était passée par toutes les humeurs, mais celle qu'elle arborait ce matin était plutôt bonne. C'est donc particulièrement enjouée malgré le lieu où elle devait se rendre, que son regard se posa sur un immense arbre.

Un arbre qui s'élevait aux côtés de sa destination, le siège des croisés. Et c'est en murmurant doucement l'air d'un chant religieux qu'elle connaissait par cœur qu'elle poussa la lourde porte du bâtiment.

"Bonjour !"

Et, après avoir fait son entrée, Alicia monta sans se faire prier directement aux étages supérieurs du bâtiment, là où elle savait qu'elle trouvait ce qu'elle était venue chercher. Une fois à destination, elle adressa sa demande à la première personne venue.

"Ah ! Bonjour, Barbara. Il me faudrait consulter le registre des bénédictions !"

Elle s'encombrait bien évidemment de ces formalités par politesse, mais elle savait pertinemment que, par son rang, il lui aurait suffit d'entrer et de se servir. Mais cela n'était pas son genre.

Elle était là, la sainte, et parce que c'était une sainte, Barbara remit à plus tard sa courte escapade vers la machine à café : on a le sens des responsabilités ou on ne l'a pas.

- Miss Alvey, c'est un plaisir de vous voir ! Mais je vous en prie suivez-moi. Alors la commissaire fait demi-tour pour mener Alicia à la pièce où sont stockées ces données strictement confidentielles. En chemin, elle saluait chaque agent dont elles croisaient la route et tout en donnant du « Enfin de retour Brown ! Ménagez-vous la prochaine fois. » et du « Di Stefano, on vous cherche au département des péchés mineurs. », elle se demanda pourquoi la protégée du chef de l'Église prenait la peine de demander la permission pour ce genre de choses alors qu'on racontait qu'elle était capable de littéralement trouer les murs pour se servir toute seule. Mais la réponse à cette question était certainement caduque, elle s'abstint de la poser et entra le code d'ouverture d'une porte au fond du couloir sur un petit dispositif fixé au mur en se contentant de l'informer sur son ton détaché habituel :

- Les ajouts et corrections effectués ce mois-ci seront informatisées demain, j'ai bien peur que vous ayez de la peine à trouver la version papier de ce que vous rechercher s'il s'agit d'une affaire récente. Avant de sortir un trousseau de clé dont plusieurs étaient nécessaires pour accéder aux dossiers derrière la porte en question, elle ajouta tout de même : Vous avez été témoin d'une altercation dernièrement, si je ne m'abuse ?

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HRP : BARBARA LA SUCEUUUSE et excuse le retard tmtc

Alicia suivit donc tranquillement Barbara à travers les locaux du quartier général des croisés. Un lieu secret où bien des secrets, justement, se trouvent rangés. Et ceux qui l'intéressaient justement n'étaient pas des moindres. Le registre des bénédictions, là où sont conservées les listes de chaque bénédiction octroyée par Dieu ainsi que les détails de la personne bénie, du nom jusqu'à l'adresse en passant par son nombre de poissons rouges. Imitant Barbara, Alicia salua chaque personne qu'elles rencontraient au passage, même si elle n'en connaissait pas les trois-quarts. Ce qui l'intéressait présentement était la porte face à laquelle elles venaient d'arriver.

"En effet. Alistair a eu quelques ennuis dimanche dernier, et j'aurais besoin de quelques informations afin de tirer tout ça au clair."

Car pour le moment, à part les caractéristiques de l'attaque subie par le banquier et un tramway à la vitre brisée, Alicia n'avait rien. La Sainte espérait donc que les registres l'aideraient à avancer dans son enquête.

"Je pensais orienter mes recherches du côté des personnes qui posséderaient une bénédiction liée à la lumière, ou à quelque chose qui y serait similaire ou, du moins, qui permettrait d'obtenir un résultat proche de l'attaque de ce Dimanche."

À la vue du rang qu'occupait Barbara, Alicia imaginait qu'elle connaissait déjà les détails de l'attaque dont elle parlait.

"Peut-être auriez-vous une idée, d'ailleurs ?"

Elles pénétrèrent dans le très sécurisé département de classement des bénédictions où le registre s'étalait en d'interminables séries de dossiers sur des rangées d'étagères, alors qu'Alicia expliquait plus clairement les raisons de sa venue. Barbara acquiesça plusieurs fois pendant ces petits éclaircissements auxquels elle répondit en menant la jeune femme à travers tout ce bordel :

- C'est ce que je pensais. Les Bénédictions liées à la lumière sont plus nombreuse qu'on aimerait le croire et il est souvent difficile d'en détecter les caractères uniques, c'est pourquoi nos experts ont recueilli les images de vidéosurveillance qui sont en attente d'analyse. Peut-être souhaiteriez-vous les étudier avant de procéder à la revue intégrale du registre ? Loin de moi l'idée de mettre en doute votre capacité de mémorisation mais chaque détail compte, et j'ai bon espoir que chaque détail... Elle attrapa une enveloppe craft sur un bureau où un agent s'affairait à classer une pile de documents venus de tout le Vatican et destinés à l'identification des centaines de bénédictions qui se manifestaient chaque jour. Sortant un CD-ROM de l'enveloppe en question, elle se tourna vers Alicia. ... se trouve sur les enregistrements.

Alicia ne venait pas tous les jours ici, loin de là. Du coup, la jeune femme laissa son regard courir le long des interminables rangées de documents qui s'étalaient le long d'une pièce semblant également interminable. Il était toujours surprenant de constater le nombre affolant de bénédictions qu'il y avait. La Sainte écouta attentivement ce que Barbara avait à dire, et la perspective de se lancer dans une enquête comme celles dans les séries parfois diffusées sur les chaînes du Vatican l'amusa quelque peu.

"Oui, il serait certainement judicieux d'étudier ces enregistrements, ils nous aideront certainement à mieux cibler nos recherches. Ce qui ne sera certainement pas un mal, à la vue de la masse de documents que nous avons."

Alicia loucha l'espace d'une demi-seconde sur le disque que tenait la chef des forces de l'ordre avant de reporter, un sourire sur les lèvres, son attention sur l'officier elle-même.

"Eh bien Barbara, commençons notre enquête en visionnant ces images !"

La pièce où l'on consultait les enregistrements vidéo était suffisamment isolée du reste pour ne plus entendre les va-et-viens du personnel et Barbara se félicita de ne pas avoir prié Alicia d'entrer avant elle quand une demie pizza attira son attention sur le bureau à droite de l'écran 46 pouces et juste à côté des deux chaises. La Commissaire referma soigneusement le carton qu'elle lâcha dans la corbeille avant de placer le disque dans le lecteur, puis prit place sans faire de commentaire tout en s'étant assurée que la croisée s'installât elle aussi.

L'officier de police entra une série de chiffres sur le clavier devant elle et la vidéo se lança au point désiré.

- Nous y voilà. Le violent flash et la chute des éclats de vitres sur huit points de vue différents passait désormais en boucle sur l'écran géant. Barbara zooma quatre fois sur la partie intéressante, plissa les yeux un instant et secoua finalement la tête : c'est pas comme si elle s'était attendu à un truc facile. Ce coup est plutôt répandu, une simple analyse des données telles que sa portée et sa puissance d'impact ont hélas peu de chances de mener à quelque chose. Cependant... on distingue clairement la trajectoire de la projection sur la caméra numéro deux, même si l'image a visiblement été endommagée par la chaleur, on connaît l'origine exacte du tir. En effet, plus que la foule chaotique autour du tramway où semblait se trouver le responsable de l'agitation générale, c'était tous ces artefacts numériques qui parasitaient l'image qui allaient leur rendre la tâche difficile. Mais Barbara était bien décidée à ne pas se laisser narguer par la bouillie de pixels faisant office de silhouette à l'origine de l'attaque. Elle modifia quelques données et l'enregistrement repartit sur une séquence légèrement différente, même endroit, quasi même heure, mais une scène bien plus calme.

- Cette séquence montre les trente secondes ayant précédé l'incident. Il nous faudra certes nettoyer l'image ainsi que beaucoup de chance si on veut identifier le responsable à partir de la vidéo, mais puisque vous étiez sur place vous avez peut-être remarqué un comportement suspect parmi les personnes qu'on voit entrer dans le tramway à cette station. Les terroristes sont des êtres humains : quand ils se savent surveillés avant de passer à l'acte, leur stress est facilement détectable, pour peu qu'on y prête attention... Elle se cala dans sa chaise, signifiant à Alicia que c'était à elle de jouer. Prenez votre temps.

Alicia, malgré son ancienneté au sein des Croisés, n'était pas vraiment une habituée du travail d'investigation. Du moins, pas dans un bureau. Évidemment, elle avait déjà visionné des enregistrements de vidéo-surveillance, mais jamais de manière aussi intensive que la situation présente l'exigeait. Ceci dit, la Sainte écouta attentivement les explications de Barbara durant leur premier visionnage de la séquence. Au moins, cela confirmait que le responsable de l'attaque se trouvait bel et bien dans ce tramway ce qui, même s'il était impossible de le distinguer, était déjà une bonne chose.

Lorsque son tour arriva d'examiner la seconde séquence qu'elles avaient à disposition, Alicia se concentra, les yeux rivés sur l'écran, observant autant que possible la foule qui entrait progressivement à l'intérieur du tramway, qui était en partance pour plusieurs quartiers de la zone résidentiel. Au bout de quelques visionnages, toujours concentrée sur l'écran, Alicia tira de sa poche un carnet dans lequel elle avait noté la liste des personnes qui étaient montées dans ce tramway en particulier et qu'elle n'avait eu aucun mal à se procurer. En usant de ce qu'elle se souvenait, de ce qu'elle savait déjà, et de ce qu'elle voyait, elle entreprit de la réduire progressivement tout en continuant de visionner les enregistrements. Non, cet homme n'a rien de suspect, celui-ci elle le connaissait, et sa bénédiction n'avait absolument rien à voir avec ça, celle-là était une vieille femme qui serait morte au moment où elle aurait lancé une telle attaque alors que celui-là est excessivement louche mais déjà fiché et sans bénédiction.

Au bout d'un moment, Alicia se laissa retomber au fond de sa chaise et baissa les yeux sur sa liste qui ne comportait désormais plus que quelques noms. Elle avait en grande partie fait confiance à son intuition, pour le coup, mais cela ne coûtait rien.

"Juan Zapatero, d'après mes souvenirs, possède une bénédiction qui pourrait peut-être donner ce genre de résultat, mais il n'a jamais fait preuve de comportements subversifs. De même pour Aldo Rinaldi."

Alicia passa ainsi plusieurs autres noms en revue. Tous apparaissaient sur la vidéo, tous avaient été enregistrés dans ce tramway, et tous possédaient une bénédiction capable de générer une attaque de ce genre. Mais aucun ne semblait avoir de réel mobile. Il restait deux noms sur la liste d'Alicia.

"Il nous reste donc Eleonora Endrizzi, dont la bénédiction colle parfaitement mais le profil beaucoup moins ; et Rubis Ehning, qui serait la plus à même à avoir un mobile, si vous voulez mon avis, mais dont la bénédiction, si elle en a une, m'est pour le moment inconnue"

Inconnue, puisqu'elle avait découvert que la rousse n'était pas en ville depuis longtemps. Toutefois, les soupçons d'Alicia, fondés ou non, étaient assez forts pour qu'elle la considère tout de même comme un suspect potentiel.

"Les deux ont en commun le fait d'avoir déjà croisé la route d'Alistair. Qu'en pensez-vous ?"

Barbara lista mentalement les quatre individus que mentionna Alvey et la laissa dire ce qu'elle avait à dire, malgré ses seize ans de service qui avaient quelque peu émoussé sa capacité à prendre un air passionné face à toute ces histoires de trahison du régime qui se renouvelaient à l'infini. Bien qu'elle jugeât que son interlocutrice allait très vite en besoigne dans le processus d'élimination des suspects, la commissaire estima que dans les quatre ils en choperaient au moins un de pas clair alors elle ne chercha pas plus loin.

- Bien. Quoi qu'il en soit nous nous devons d'envisager toutes les pistes : un fidèle peut s'inventer un motif du jour au lendemain pour peu qu'il ait frayé une fois avec les mauvaises personnes. Je ne vais pas vous faire la liste des cas récents de ce genre... Sourire entendu : les saints étaient toujours au courant de tout. Et parce que les saints étaient toujours au courant de tout, elle allait aussi se permettre de prendre en compte son intuition qui se dirigeait plutôt vers Ehning et Endrizzi et déléguer le traitement des cas Zapatero et Rinaldi à d'autres zélés éléments. La brune quitta sa chaise.

- Nous interrogerons les quatre, et puisque nous vous avons sur l'affaire je pense qu'il serait judicieux que ce soit vous qui alliez tester la potentielle bénédiction -- Ce terme sonnait si mal lorsqu'appliqué à des ennemis de Dieu en puissance. Elle ne s'y ferait jamais. -- de Mademoiselle Ehning. Nous vous tiendrons bien entendu au courant des résultats de nos investigations. Cette phrase avait le ton d'une invitation plutôt que d'un ordre, et quand bien même l'expression aurait été inappropriée, Moratti avait déjà quitté la pièce pour mettre des croisés sur l'affaire de la Basilique. Elle était infatigable quand il s'agissait de donner des directives.